Récupération d’hommes à la mer, évacuation d’un blessé grave par hélicoptère, prise en charge d’un incendie… Le tout coordonné avec l’appui de la gendarmerie maritime, de la Marine nationale et du Samu. C’était le cadre l’exercice grandeur nature organisé par le CROSS sud océan indien à l’occasion de la semaine de coopération des centres de sauvetage en mer (MRCC) de la zone sud océan indien. Découvrez le déroulé de cette exercice dans le reportage vidéo de Réunion la 1ère :
Un exercice en mer d’envergure à la Réunion
Jeudi 28 septembre 2023. Il est midi quand les bénévoles de la station de Sainte-Marie se retrouvent au Port de plaisance de la ville du Port. La vedette de sauvetage de deuxième classe SNS 255 Moise Begue II y est accostée en prévision de l’exercice du jour. Vivian Mailly, le charismatique président de la station de Sainte-Marie, a invité tous les canotiers à se regrouper pour déjeuner ensemble avant d’embarquer.
C’est l’occasion de donner les dernières consignes en prévision de cet exercice pas tout à fait comme les autres. Le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage de la zone sud océan indien (CROSS SOI) organise ce sauvetage dans le cadre de la rencontre des Maritime rescue coordination centers (MRCC) de la zone sud océan indien qui regroupe l’Australie, Maurice, la Réunion, Madagascar, l’Afrique du Sud, le Mozambique, la Tanzanie, le Kenya, les Comores, les Seychelles et la Somalie. Les représentant des centres de sauvetage de tous ces pays sont donc présents à la Réunion pendant une semaine. L’exercice de ce jeudi est l’occasion de leur présenter en conditions réelles l’organisation d’un sauvetage en mer en France.
Le CROSS a organisé tout le déroulé du sauvetage qui implique de nombreux acteurs : la SNSM de la station de Sainte-Marie avec la vedette SNS 255 Moise Begue II, la gendarmerie maritime avec le semi-rigide de la BSL (Brigade de surveillance du littoral), la frégate Floreal et l’hélicoptère Panther des forces armées dans la zone sud de l’océan indien (FAZSOI), le Samu 974 et enfin, la star de la journée, le catamaran Maloya de la société Festiyacht.
Tout est calme sur le ponton E du port de pêche de la Pointe des galets où est amarrée la SNS 255. Cela contraste avec l’animation qui a lieu quelques mètres plus loin au port de plaisance. Une centaine de personnes est présente à bord du Maloya et sur le quai. En plus du CROSS et des membres des délégations MRCC de l’océan indien, les élèves d’une classe de troisième du collège de Plateau Caillou de Saint-Paul participent à la sortie. Depuis 2021, ce collège bénéficie d’un mentorat assuré par deux bénévoles de la station SNSM de Saint-Gilles afin de préparer des élèves de troisième à poursuivre leur scolarité dans l’enseignement professionnel lié au milieu maritime.
Le délégué départemental Réunion-Mayotte, Jean-Pierre Million-Rousseau, le président de la station SNSM de Saint-Gilles, Jean-Marc Thevenin et d’autres sauveteurs sont à bord du catamaran. Des journalistes et des officiels profitent également de cette journée de sensibilisation au secours en mer. En tout, près de 70 personnes vont embarquer sur le Maloya pour l’exercice.
Retour au ponton E. Après le déjeuner passé dans une ambiance conviviale et décontractée, la tension monte peu à peu. « La moitié de l’équipage part au local récupérer le matériel de secours, dit Vivian, pendant de ce temps, les autres, vous commencez à préparer la vedette. » Tous s’exécutent, chacun connaissant son rôle par cœur. Une partie des bénévoles part récupérer le matériel et le vérifier, une autre partie prépare la vedette. A bord de la SNS 255, tout est fluide, chaque mouvement ayant déjà été répété plusieurs fois lors des nombreuses sorties et entraînements auxquels participent les sauveteurs. Antony, qui sera chef de pont durant l’exercice, teste la lance à incendie sur l’arrière du pont. « La pression n’est pas impressionnante mais ça ira pour l’exercice. De toute façon, en cas de véritable incendie, ce sont les pompiers maritimes qui interviennent, précise le jeune marin. » Patrick, radio, ouvre la cale pour vérifier les moteurs. Ils sont quasiment neufs mais le bateau lui a presque 30 ans. L’entretien est difficile, surtout loin de la métropole et de son service technique. « On fait avec les moyens du bord ! » L’équipage procède aux dernières vérification et compte les gilets de sauvetage. 13 h 30, ça s’agite. Les sauveteurs s’équipent. Les imposants sacs contenant le matériel médical qui a été vérifié sont stockés à l’avant du bateau. L’équipage est au complet. Vivienne, toute jeune bénévole en école d’infirmière, vient d’arriver. C’est elle qui fera la victime aujourd’hui sur le Maloya. Quelques instants plus tard, les bénévoles rejoignent le Maloya sur le quai voisin. On se salue, on plaisante. L’ambiance est à la détente.
Incendie à bord d’un catamaran avec 64 personnes à bord
14 h 30. Début de l’exercice. Le Maloya part en mer au large pour une sortie touristique avec 64 passagers à bord. Quelques minutes plus tard, la SNS 255 Moise Begue II reçoit un appel du CROSS sur la VHF. Pour l’occasion, on utilise le canal 67, dédié à l’exercice. Une explosion vient d’avoir lieu à bord du catamaran. Le CROSS demande à la SNSM de se rendre à bord du Maloya pour faire un premier état des victimes et estimer les dégâts. Tous les bénévoles se préparent.
Deux sauveteurs secouristes vont être transbordés sur le Maloya. Alexandre, jeune sauveteur qui a rejoint la SNSM il y a un an, a justement passé son PSE2, le diplôme de secourisme obligatoire pour ce genre d’intervention, la semaine dernière. « C’est une excellente manière de mettre en pratique mes connaissances », dit-il en souriant, un peu tendu. En quelques minutes, la vedette arrive à côté du Maloya. Il faut maintenant se mettre à couple pour permettre le transbordement des sauveteurs dans les meilleurs conditions possibles. Daniel, le barreur, crie des indications à l’équipage du Maloya pour faciliter la manœuvre. A bord de la vedette de la SNSM, la différence de taille avec le catamaran est impressionnante ! On comprend vite qu’il est très délicat de se rapprocher au maximum sans percuter les deux navires. Mais Daniel est un pro. Thomas Rostaing, le directeur du CROSS qui commente tout l’exercice à bord du Maloya et traduit pour les délégations étrangères, l’a rappelé au micro sur le quai avant de partir. « Daniel c’est le meilleur pilote de la zone océan indien ! ». En cinq minutes, les deux bateaux sont à couple et les deux secouristes transbordés sur la catamaran avec leur matériel médical.
L’exercice se poursuit désormais à bord du catamaran. Sur la vedette de la SNSM, beaucoup d’informations parviennent à l’équipage de la SNSM. A bord du catamaran, on compte une victime grave. Une jeune femme, brûlée à la face et au cou, souffrant d’une plaie à l’abdomen et d’une fracture ouverte à la cuisse droite. Les autre victimes à bord sont moins sérieusement blessées : des contusions, des acouphènes suite à l’explosion et des états de choc psychologique. L’explosion a également engendré un incendie sur la jupe arrière du catamaran. Suite au premier bilan donné par la SNSM, le CROSS décide de demander l’aide de la frégate Floréal qui envoie sur zone une équipe médicale en renfort.
L’équipage du Moise Begue II a désormais pour mission d’éteindre l’incendie qui s’est déclaré. Une machine à fumée simule un feu à l’arrière, rendant l’exercice plus crédible. La vedette vient se positionner de l’autre côté du catamaran. Antony manipule la lance attachée à l’arrière du bateau. Là encore, l’intervention n’est pas simple, malgré le calme de la mer ce jour-là. Il faut réussir à viser la fumée sur le ponton du Maloya tout en gardant l’équilibre. Au bout de 10 minutes, un message radio alerte que le feu est maitrisé.
Pendant ce temps, un autre message a alerté sur le fait que deux passagers manquaient à bord du Maloya. L’explosion a dû les projeter par-dessus bord. Le bateau de la BSL (gendarmerie maritime) ainsi que l’hélicoptère Panther des FAZOI partent rechercher les victimes tombées à la mer. L’hélicoptère repère très rapidement les plastrons qui sont remontés à bord du bateau de la BSL puis transbordés sur le Moise Begue II. Deux nouvelles victimes sont donc à prendre en charge par les bénévoles de la SNSM. Après les avoir sécurisées, l’équipage ne relâche rien. En effet, la décision est prisé d’évacuer la victime en état d’urgence par hélicoptère. Pour cela elle doit être hissée à bord de la vedette de la SNSM sur une civière. Daniel se remet à couple du Maloya. Cette fois l’opération est plus délicate. Il faut réussir à transborder la victime allongée sur une civière à bord de la vedette de sauvetage. L’opération doit être la plus précise et rapide possible. Cela demande une excellente coordination de tous les acteurs. Une fois à couple, le passage de la civière sur la vedette de la SNSM est effectuée en quelques minutes. Tous les visages sont souriants malgré l’effort physique demandé. Mais on imagine facilement que la tension serait plus forte s’il s’agissait d’une vraie victime. Chaque sauveteur le garde en tête.
De retour à bord de la SNS 255, les secouristes prennent les constantes de la victime et la préparent à l’hélitreuillage imminent. Le Panther arrive sur zone au-dessus de la vedette de la SNSM. Un officier est hélitreuillé à bord pour coordonner l’évacuation de la victime. L’opération est très rapide. En quelques minutes, la victime est équipée et treuillée dans les airs. Elle sera ensuite prise en charge par l’équipe médicale de la marine. Pendant ce temps, l’autre victime tombée à l’eau et souffrant d’hypothermie a été prise en charge dans la cabine de la vedette par les secouristes de la SNSM.
Suite au premier bilan médical, elle est à son tour évacuée dans l’hélicoptère. Quelques minutes plus tard, fin de l’exercice. Tout le monde regagne le port.
A quai avec le Maloya, c’est le moment du débrief avec le CROSS. « Les liaisons radio étaient saturées, remarque Alice Gaillard, administratrice de 1e classe des affaires maritimes qui était à la direction de l’exercice ce jour-là. Il y avait trop de monde sur le canal. »
Après une dernière étape carburant, le Moise Begue II, rejoint le quai. Tous les sauveteurs se retrouvent autour d’un verre chez Tintin. Vivian rappelle les moments forts de l’exercice. Tout s’est bien passé selon lui. C’était une bonne intervention. On revient sur le moment clef du transbordement. Vivian résume, « T’arrives, t’es le sauveur ! Il faut assurer derrière. C’est là que la coordination commence. » On s’échange des photos, on discute. Puis chacun repart ravi et épuisé de cette journée.
Dans une intervention de cette ampleur, la coordination est primordiale. Chaque minute compte pour sauver les victimes. Comme l’a rappelé le directeur du CROSS au cours de la journée « En mer on n’appelle pas le Samu, on n’appelle pas les pompiers, on appelle le CROSS au 196. »